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18 mars 2014

Anniversaire du journal La Plume Plus Une décennie au service de l’école guinéenne !

Anniversaire du journal La Plume Plus

Une décennie au service de l’école guinéenne !

photo_groupe

Nous sommes en 2003, au lycée de Kipé (Ratoma), lorsqu’un groupe d’élèves de la 11e année décide de combler un vide laissé par l’inexistence de tout moyen d’information dans l’univers de l’école guinéenne. C’était-là un grand défi pour des jeunes qui n’avaient que le BEPC (Brevet d’étude du premier cycle) comme plus grand diplôme. Ils étaient aussi (ils le restent encore) financièrement pauvres. Leur seul atout et certainement le plus important, ces jeunes débordaient d’idées novatrices, d’esprit de créativité et étaient courageux et ambitieux. Alors que leur projet paressait utopique, ces qualités-là ont permis, le 1er mars 2004, la parution du premier numéro du premier mensuel d’informations orientées strictement sur l’école guinéenne. Son nom : La Plume Plus. Le moment est historique. Des mois auparavant, on n’entendait que le nom du canard résonner dans les classes et l’enceinte du lycée de Kipé, mais à présent on découvre l’œuvre. Ceux qui étaient pessimistes, finissent par accepter la réalité, mais pas sans interrogations. Est-ce vous qui écrivez ça ? Qui vous finance ? Qui vous assiste dans la correction des articles ? Ce n’est qu’un échantillon du tas de questions auxquelles devaient faire face les fondateurs du journal. Il paraît que « l’émotion est nègre… ».

Ils n’étaient pas que des rédacteurs, les fondateurs de La Plume Plus assuraient également sa distribution et sa vente dans les écoles, celles qui n’étaient pas dirigées par des prédateurs de la liberté d’expression. Car, rappelons-le, l’œuvre n’avait pas que d’amis dans les rangs des autorités éducatives. Mais la vie est faite aussi d’embuches. On continue d’en faire avec et de jongler pour atteindre notre public cible, les élèves et étudiants. Un défi de plus, à côté du faible pouvoir d’achat et l’absence de la culture de la lecture chez les Guinéens. Entre s’acheter un journal et une miche de pain pendant la récréation, l’élève ou l’étudiant qui a quitté la maison sans déjeuner, n’a pas à tergiverser. Sans compter qu’aujourd’hui, la société est politisée à outrance. Qui veut intéresser un lecteur guinéen, lui parlera de décrets, de manifestations ou de batailles politiques entre Alpha Condé et Cellou Dalein et pire, de la haine ethnique. L’atmosphère est polluée par ce genre d’infos qui ne nous avancent en rien. L’éducation, la formation, la culture, le sport, l’environnement, le civisme et bien d’autres sujets d’importance inestimable sont aux oubliettes.     

Le permis de croire 

Le terrain était balisé par Mamadou Samba Sow, Siba Toupouvogui (Rédacteur en chef et Directeur de publication) et les autres prédécesseurs, lorsque je me suis finalement décidé en fin 2005, de m’embarquer dans le train de La Plume Plus. Je venais de décrocher avec brio (17e de la République et 1er du lycée de Kipé, option Sciences sociales) mon diplôme de baccalauréat, deuxième partie. Avant, je n’étais pas certain de pouvoir allier les études et l’exercice de ce qui était devenu mon métier de rêve depuis le jour qu’un sage, après m’avoir observé, a révélé à ma mère (que son âme repose en paix) que je ferais un bon journaliste, alors que je n’étais même pas à l’école. Sans savoir est-ce que je suis « un bon journaliste », j’aurais aimé rencontrer aujourd’hui ces deux personnes (le sage et ma mère) pour leur dire qu’informer, c’est maintenant ma profession. C’est l’occasion de dire merci à mes parents de m’avoir, entre autres, amener à l’école, au sage et à La Plume Plus, de m’avoir respectivement permis de rêver et de réaliser mon rêve. J’aurais pu abandonner l’école.

La bonne nouvelle de mon admission au bac m’a trouvé dans ma préfecture, à Pita, où j’étais en vacances. Je me voyais déjà dans une université marocaine, en qualité de boursier d’Etat. C’était sans compter avec la corruption et le favoritisme qui gangrénaient (ce n’est plus le cas ?) l’école guinéenne. Au final, l’Etat ne m’accorda ni une bourse dans une université marocaine et pire, encore moins une place dans celle guinéenne. Je devais digérer mon échec au concours d’accès à l’université, instauré plus pour arnaquer  les élèves et leurs parents que pour qualifier le système éducatif guinéen. A la proclamation des résultats, pour la première fois depuis qu’on m’a inscrit à l’école, des larmes coulèrent de mes yeux et me firent sentir l’amertume et la douleur de ce que c’est que reprendre une classe. C’était d’autant plus douloureux que lorsque vous perdiez le concours, vous n’aviez d’autre choix que rester à la maison jusqu’à la prochaine session, bon à préparer le thé et vulnérables aux fléaux et autres vices qui minent vos camarades jeunes.

J’explorai toutes les solutions qui étaient à ma portée. Sans succès. Les DCE (Direction communale de l’éducation), les universités, les particuliers, partout on me dit que l’argent reste la clé qui déverrouille les portes de l’université. A moi dont le tuteur est un enseignant à l’élémentaire, touchant un salaire mensuel qui ne dépassait jamais 150 000 FG, on me demandait de payer entre un million et un million cinq cent francs ! Heureusement, que « la ceinture d’un homme ne se rompe jamais là où une corde est lointaine », nous enseigne un proverbe peuhl. J’avais à portée de main, ma Sorbonne : La Plume Plus.

Le journal me permit de rester dans l’univers de l’école à travers les activités de collecte d’information et de vente des journaux à la parution de chaque numéro. Je n’étais pas le seul rédacteur de La Plume Plus à n’avoir pas eu le concours. Lorsqu’on rédigeait, on signait au bas de l’article : « X, victime du concours ». Comme pour se plaindre de notre sort. L’année suivante, la signature devenait plus longue : « X, victime du concours et de la sélection ». Personne n’entendit notre cri de cœur. Bien que le concours d’accès à l’université fut supprimé en 2006 et remplacé par « La sélection », mes camarades et moi ne furent pas sélectionnés cette année encore. Je ne pleurai plus, cependant. Je riais même sous cape quand j’entendais des autorités éducatives, souvent corrompues jusqu’à la moelle, dire qu’on tenait compte de la moyenne du candidat pour le sélectionner. J’attends encore qu’on prouve que mes 13 de moyenne générale étaient en dessous de ce qu’il faut pour être à l’université. Par contre, une autorité de l’éducation surprise par mon rang (17e de la République), m’a demandé ce qui m’empêchait d’entrer à l’université. Je ne pouvais que lui renvoyer la question.

Toute chose a une fin. En 2008, après trois ans de « vie en jachère », des âmes sensibles m’ont permis, moyennant rien,  d’entrer à l’Université Général Lansana Conté de Sonfonia et d’en sortir en 2010 avec une Licence en Droit international. Je leur dis, du fond du cœur, merci. En janvier 2011, au terme d’un an et trois mois de courses, je finis par être accepté comme stagiaire au Lynx, le premier journal satirique et privé de Guinée. Un an après, on finit par m’employer. J’y suis, aujourd’hui encore. Mon unique diplôme en journalisme, l’expérience acquise au journal La Plume Plus, maintenant au groupe de presse Lynx/Lance et ailleurs. Un jour, comme Martin Luther King, j’ai dû rêver…d’être journaliste. Aujourd’hui, comme Barak Obama, je dis : « Oui, nous (jeunes de Guinée) pouvons ». Joyeux anniversaire à tous.

Mamadou Diawo Barry

 

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