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4 juin 2014

« La culture guinéenne se porte mal au Sénégal » dixit Idhy Barry, responsable de Wontanara

Idhy_Barry

Pour plus de 2 millions de guinéens vivant au Sénégal, une dizaine d’émissions radios et télés sont animées pour vendre la culture de Guinée au pays de la Teranga. S’ajoutent à cela, des concerts et manifestations qui sont régulièrement programmés à Dakar et en province pour vibrer aux rythmes de la musique du pays. Malgré cela, ‘’la culture guinéenne se porte mal au Sénégal’’ nous a confié Idhy Barry de la structure Wontanara Production dans une interview exclusive. Journaliste de son état, Idrissa Barry a également évoqué au cours de cet entretien, les projets de sa structure, les difficultés ainsi que sa vision pour le showbiz guinéen en général. Lisez plutôt !
Bonjour Idhy, présentez-nous la structure Wontanara Production.
Le nom Wontanara n’a pas été choisi au hasard même si les gens l’utilisent autrement, mais moi je l’utilise dans le sens ‘’On est ensemble pour le meilleur et pour le pire’’ parce que c’est ensemble qu’on peut réaliser des choses. Le concept Wontanara est d’abord né à l’université avec les activités que j’organisais avec les étudiants quand je suis arrivé de l’ISIC en 2009. Ça me faisait vraiment mal de voir des jeunes guinéens qui m’appelaient depuis la Guinée pour me demander de leur confectionner des tee-shirts à l’effigie du Sénégal. Voyant cela j’avais très mal bien que cela soit une sorte de panafricanisme, mais il faut savoir que les sénégalais ont fait cela pour vendre leur culture alors pourquoi pas nous ? C’est de là que j’ai commencé à faire des tee-shirts avec le concept Wontanara qui étaient parfois accompagnés de messages de paix vu que la Guinée traversait en ce moment de graves crises.
Etant journaliste et passionné de la culture, j’ai ensuite proposé des émissions avec le nom ‘’wontanara’’ et des journées culturelles aux festivals auxquels j’ai eu la chance de participer en apportant des apports significatifs. Je me suis dit pourquoi ne pas créer mon propre label. J’ai ensuite joins le projet Wontanara Entertainment et ma structure a été reconnue par le bureau sénégalais des droits d’auteurs en tant que non seulement ligne de vêtement mais aussi label proprement dit. Aujourd’hui, wontanara opère dans l’événementiel, la communication, la conception de tee-shirts, la créativité d’événements culturels et tout ce qui est projets jeunes.
-Quelles sont les réalisations de cette structure ici au Sénégal ?
Wontanara a commencé avec les étudiants en participant à toutes les activités culturelles estudiantines guinéennes ici au Sénégal. J’ai été aussi invité à participer à l’organisation de l’un des plus grands festivals du Sénégal qu’on appelait le Paris Dak’art. Au cours de cet événement, j’avais la possibilité de choisir des artistes guinéens et c’est là que j’ai choisi Takana Zion, mais le festival a été finalement annulé à cause du coût et de l’ampleur. Wontanara s’est ensuite vu obligé d’organiser un concert pour Takana Zion à la Biscuiterie.
Avec Black Family qui est un groupe que je gère, j’ai eu l’idée d’envoyer le groupe Banlieuz’art pour un grand concert à Dakar. La structure a réussi à s’imposer avec ce concert de l’amitié co-organisé avec le Studio Sankara de Didier Awadi qui a réuni des artistes guinéens et sénégalais sur une même scène, qui a été retransmis en direct sur la 2STV et qui continue toujours d’être rediffusé sur des chaines de télé ici au Sénégal. C’est déjà une fierté pour nous car nous avons réussi ce qu’aucun autre opérateur culturel n’a pu faire au Sénégal. L’objectif était d’organiser le meilleur concert de l’année en montrant que la culture urbaine guinéenne est la meilleure de la sous-région et c’est ce qui fut fait pour Banlieuz’art et je crois que tout le monde peut en témoigner.
-Quelles sont les ambitions de Wontanara Production ?
Les promoteurs, nos ainés ne font pas le boulot qu’ils ont à faire parce qu’ils se servent plus de la culture que de la servir. Quand tu prends un artiste, tu l’emmène dans un salon et ça se limite là, personne n’aura la chance de le voir et il ne sera pas vendu mais toi par contre tu as gagné de l’argent mais lui, qu’est-ce qu’il a gagné ? Un artiste a besoin de l’affection de son public d’origine et d’un autre public et moi c’est ce que j’ai offert à Banlieuz’art. Si j’avais les moyens, ils allaient être logés dans le plus grand hôtel de Dakar car je n’aime pas emmener un artiste guinéen au Sénégal pour qu’il soit vu par les guinéens mais qu’il soit respecté par les sénégalais et les autres africains même si je ne gagne rien après. C’est cela notre objectif. Wontanara est là pour tous les jeunes africains et surtout pour vendre la culture guinéenne, montrer notre enracinement et montrer que c’est possible d’être ici et faire quelque chose pour son pays.
-Toujours dans le même cadre, quelles sont les difficultés auxquelles vous êtes confrontés ?
Il n’y a pas d’échanges entre nous jeunes acteurs culturels guinéens d’ici et les acteurs culturels de Conakry. Au Sénégal, on est 3 millions de guinéens et c’est aussi le seul pays où il y a plus de 10 émissions guinéennes dans les radios et télévisions. Les sénégalais font cela parce qu’ils savent qu’on est nombreux ici et qu’avec cela ils pourront facilement se faire de l’argent.
Pourquoi les medias guinéens ne penseraient pas à collaborer même si ce sans salaire avec moi par exemple en tant que correspondant comme je suis journaliste ? Et pourtant, moi j’ai fait ici ce que l’État même ne fait pas en organisant le concert de l’amitié au Sénégal. Normalement, c’est du ressort de l’ambassade par exemple ou du ministère de la culture mais un jeune guinéen a pensé à cela et ils ne nous ont pas accompagné. Sur un budget de 12 millions de FCFA, on nous a parlé d’une somme de 100.000 FCFA en guise de soutien à l’ambassade de Guinée. Ce qui n’est même pas le plat des artistes ou leur déplacement pour moi qui m’attendais à une prise en charge complète des frais de voyage ou de séjour des artistes et pourtant c’est la culture guinéenne qui a été vendue à travers ce concert et non l’image d’Idhy que je suis.
On a tellement envie de vendre notre culture mais sans moyens on est obligé d’aller voir des partenaires pour nous aider et après, les mêmes guinéens te diront qu’il nous a laissé pour aller trouver les sénégalais. Les autorités sénégalaises ont financé le concert de l’amitié avec Banlieuz’art, ils ont mis leur moyens et leur amour, ils étaient sous le froid avec nous jusqu’à la fin. Des hauts responsables sénégalais étaient là mais où étaient les guinéens ?
-Selon vous, qu’est ce qui explique cela ?
C’est simplement de la mauvaise intention et le manque d’amour pour son pays, c’est tout.
-Avez-vous eu le soutien ou l’aide de vos confrères promoteurs guinéens au Sénégal ?
Pour tout vous dires, il n’y a pas de solidarité entre nous opérateurs culturels ici au Sénégal parce que s’il y avait une bonne entente, je n’avais pas à aller au studio Sankara pour ce concert. Le concert avec le Studio Sankara avait un autre volet parce que ce que les ainés n’ont pas fait c’est ce que j’ai fait en rendant hommage à Didier Awadi. Il faut reconnaitre qu’il a beaucoup fait pour la Guinée, alors qu’est ce qui nous empêche de lui dire merci Awadi pour tout ce que tu as fait pour nous ? Et pourtant, ils continuent toujours à accompagner la culture guinéenne. Pour les affiches de ce concert, j’étais seul avec lui pour afficher en ville et pourtant c’est une star mais il était avec moi dans la voiture et m’appelais jour et nuit pour me mettre la pression.
Par contre, si je prends les animateurs partout où je suis passé j’ai payé le spot et ils ont critiqué le concert. Certains ont même appelé Banlieuz’art avant le concert pour leur dire de ne pas venir car je ne peux pas les emmener. Malgré tout cela, moi j’ai offert des cartons d’invitations à tous les promoteurs et animateurs parce qu’au-delà de tout ça, moi je fais la promotion de la culture guinéenne et non la guerre à quelqu’un.
-Comment se porte la culture guinéenne au Sénégal ?
La culture guinéenne au Sénégal se porte mal. Très mal parce que comment peux-tu comprendre qu’on envoi 3 vedettes guinéennes dans un stade, tu les fermes dans ce stade, tu fais le concert sans que personne ne sache qu’un tel événement a eu lieu. Donc ces artistes viennent pourquoi exactement ? Juste pour que les guinéens les voient et que les autres se font de l’argent. On se sert de la culture pour se faire de l’argent, on ne sert pas la culture je le répète parce que si tu emmènes un Lama Sidibé, tu emmènes une Binta Laly au stade et que la télé sénégalaise ne diffuse pas, l’événement se limitera entre les guinéens. Et là, la culture guinéenne ne sera pas vendue. La culture guinéenne ne se vend pas aux guinéens mais plutôt aux étrangers et c’est pourquoi on a accepté de diffuser le concert de l’amitié à la télé sinon ce n’étais pas prévu. On l’a fait juste pour montrer qu’on le mérite et si ce n’étais pas un bon concert, ils n’avaient pas à le rediffuser. Pour moi, même en Guinée, les acteurs culturels ne font pas leur boulot.
-Quel avenir pour cette culture ici au pays de la Teranga ?
Forcement y’a de l’avenir ! C’est aux artistes guinéens de prendre leur destin en main. Qu’ils ne continuent pas à venir participer à des concerts dans un stade où le podium n’atteint même pas la cheville, dormir à 10 dans une chambre et on part leur acheter du Tchép Djén (plat de spécialité sénégalaise, ndlr) au marché à 500 francs. C’est à eux d’abord d’être professionnel et structurés. Comme ça personne ne se permettra de faire des choses de la sorte. Qu’ils se disent que les producteurs guinéens font des productions pour eux pas parce qu’ils veulent les produire mais plutôt parce qu’ils sont bons. Et quand tu es bon, tu te vends cher. Moi, le cachet que j’ai payé à Banlieuz’art cette fois-ci, si je dois les envoyer prochainement, je paierais le double ou le triple parce que j’ai payé cela vu que je n’avais pas réellement la confiance des partenaires et maintenant que j’ai cette confiance, si je dois les emmener, là on paiera cher, ils auront ce qu’ils méritent parce qu’ils ont donné au public guinéen et africain ce que ce dernier voulait.
-Votre mot de la fin.
Je profite de cette interview pour parler d’un projet qui me tient à cœur et que j’aimerais partager avec tous les artistes guinéens. Le projet consiste à rendre hommage à nos artistes disparus car personne n’a pensé à faire quelque chose pour eux malgré tout ce qu’ils ont fait pour la culture. Aujourd’hui, je suis en train de chercher des photos de Yakhouba Pèssè, de Italo Zambo pour confectionner des tee-shirts que les gens vont acheter, organiser des diners gala pour que l’argent récolté soit reversé aux familles de ces artistes. Nous irons jusqu’à demander au gouvernement de bâtir des bâtiments sociaux afin que les familles respectives de ces artistes décédés puissent se loger car c’est grâce à eux que nous on a fait de la culture, c’est parce les jeunes ont vu Yakhouba Pèssè qu’il y a aujourd’hui des comédiens, c’est parce qu’on a vu Fodé Conté chanter que nos jeunes chantent aujourd’hui. Des artistes comme Socrates, Hamid Chanana sont morts sans qu’il n’y ait une affiche d’eux quelque part. Pourtant, tu verras des écoles qui s’appellent Ghandi pendant que celui-là n’a rien fait pour la Guinée, alors pourquoi ne pas donner les noms de certaines écoles à ces artistes qui ont marqué les temps ?
Entretien réalisé par Amadou 2 Barry depuis Dakar

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